Vieille tente

J’ai quitté Pula. Eh bien, figurez-vous que j’ai eu un petit coup de mou en partant. J’ai fait la tournées des adieux, j’ai reçu trois cadeaux. Étonnamment, trois bouteilles d’alcool. Des spécialités croates. J’ai de quoi tenir jusqu’en Turquie.

Donc, j’ai commencé par faire une bonne insomnie à l’idée du départ. J’ai décarré à quatre heures et traversé la frontière avec la Bosnie, vers sept.

Sans rencontrer de muret invisible.

Direction le Parc National de la Una, qui s’étend plus ou moins le long de la frontière avec la Croatie. Une splendeur de paysage, les chutes d’eau de Štrbački Buk, impressionnantes, on était dix, sur le site.

Juste parfait. Après j’ai foncé très lentement, vers Martin Brod. Pour y aller, c’est de la route pas terrible qui devient soudain une piste. (à l’époque je ne savais pas que c’était une TRES bonne piste…)

On se calme !

Les cascades sont modestes, mais le lieu est charmant.

Martin Brod

Un des gardes du parc national m’indique une aire naturelle pour dormir, avec wc et douche à partir de 17 heures.

J’ai donc dix tables de pic-nic couvertes et deux immenses abris sur pilotis pour moi toute seule.

La douche est chaude (incroyable), la température extérieure fraîche, on supporte ses deux pulls.

Comme ici le soleil se couche tôt, je mange tôt, de toute façon je suis claquée.

Et LA, LA, LA ! La question cruciale se pose. Où, dans quoi ? Le monde des vacanciers se déchire entre familles opposées. Les campeurs, avec des extrémistes dont je suis, qui dorment sur une bâche et un matelas à la belle étoile, les camping-caristes, les « caravaneurs », et ceux qui vont à l’hôtel ou prennent un airbnb. Il existe un sous-groupe : ceux qui dorment dans leur bagnole, aménagée plus ou moins pour.

Bon, là, la belle étoile par 2°C, tu oublies tout de suite. La tente, c’est tentant. La bagnole… Mouais. Je DETESTE dormir dans une bagnole. T’es à l’étroit, bas de plafond, ça condense, quand tu retournes tu te cognes, et si tu as oublié, tu te lèves et tu t’assommes au plafond.

Si en plus t’as envie de pisser la nuit…

Mais je me suis quand même acheté un super équipement pour pouvoir dormir dans la bagnole. (si je n’ai vraiment pas le choix -ville, port d’embarquement- ou si je ne trouve pas d’endroit). Pouvoir n’est pas vouloir. Je ne l’ai pas testé une seule fois, ce truc.Je me dis que peut-être là…

Bon je monte le truc. Il me faut bien plus de temps que pour jeter la « deux secondes » sur un carré d’herbe, évidemment. J’installe le chien sous le montage, je me couche, je fais coulisser la porte latérale un peu trop vivement ; Et bliiiing, elle se ferme. C’est con. Parce qu’il n’y a pas de poignée intérieure dans les Kangoo Techno : les marchandises ne sont pas censées descendre toutes seules.

Me voilà donc enfermée, vitres toutes fermées et portière avant quasiment inaccessible. Vu la hauteur sous plafond, je peux déjà difficilement me relever vers la porte latérale, alors basculer vers l’avant pour atteindre la poignée de la portière à deux mètres de là, et 30cm plus bas…

Evidemment, j’imagine que le chien et moi allons périr étouffés. Je psychote là dessus un bon moment. Précisément jusqu’au moment où cela devient obsessionnel, que j’imagine ce que je vais devoir faire pour sortir de là par l’avant, et j’aie inévitablement envie de pisser.

En plus Kip ronfle. (salopard !)

S’ensuivent dix minutes grandioses.

Reptation dorsale vers l’avant. Tel un ver plat, je progresse, je réussis presque à m’asseoir, mais le « sommier pliant » gêne, les pieds métalliques aussi, le matelas encombre. Je replie, rabats tout ça avec les pieds. Je me griffe sur les pieds métalliques, je me coule sur le siège avant rabattu dans une posture digne d’une gymnaste roumaine né d’un père yogi et d’une mère contorsionniste pékinoise. Le nez sur les genoux. Victoire, je me suis accouchée de moi-même. (par le siège, c’est le cas de le dire…). J’ouvre la portière !

Bon du coup j’ai tout replié pour atteindre ma tente, et à une heure du mat’, je me suis vautrée de tout mon long, sous mon duvet ( garanti 0/6 degrés, bon matos, ça madame), avec du bon air frais dans les narines. et le chien qui apporte chaleur et réconfort et qui ne ronfle plus.

Je crois que je vais continuer à camper.

le matin, 6h30, 2 degrés

Publié par l'excédée

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6 commentaires sur « Vieille tente »

  1. Des paysages fantastiquement beaux. As-tu pris un bain dans les marmites à Martin Brod ?
    Bon, un bon point pour le tourisme mais le repos du guerrier s’est visiblement compliqué. Je n’ai pas bien compris pourquoi tu ne t’étais pas directement installée sous l’abri sur pilotis. Avec un bout de bâche pour une paroi protectrice d’un vent frais éventuel.
    Enfin. Ça me donne l’occasion de rire d’un épisode épique, toujours à cause de ta voiture. Si on m’avait dit qu’il existe des stages de survie exclusivement automobiles. Et pourquoi pas adapter les « escape game » à ce domaine précis ?
    Pfuuuu, le saut à l’élastique pour voir si les cadres ont des tripes suffisantes (et les vomir au 3eme rebond) pour diriger leur équipe : c’est du pipi de chat à côté. Tu devrais monter une affaire de tourisme aventure avec stage de motivation. Du sur-mesure. Moins il y aura de confort, plus il y aura d’embûches : plus tu pourras le vendre cher.
    J’adore vivre des aventures par procuration.
    Allez, bonne continuation. J’ai hâte.

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  2. Je ne sais pas si tu recois ces mails
    Merci pour ces photos superbes donc la voiture est reparée
    Dis moi si tu as besoin que je t’envois des sous et comment– mandat ?
    Je t’embrasse fort et je te trouve tres courageuse ; je pense que c’est bien que tu aies ton chien !
    Ton Alice

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